« La Porte »
Projet de sculpture
Pornichet – juin 2001
Les « petites portes », 1998 – 1999.
Entaille, fente, cicatrice, ouverture … bien vite j’ai cherché, après avoir réalisé une série de sculptures comportant des entailles dans la pierre, à élargir le passage. Naturellement, et en relation aussi avec la forme fonctionnelle de nos portes communes, c’est au moyen d’un rectangle que j’ai continué à creuser mon idée, pour tenter de pénétrer la pierre sans la traverser et réaliser ainsi une nouvelle série de sculptures, faites de rectangles ouverts dans des rectangles de pierre. Mais jusqu’où fallait-il aller pour suggérer l’idée du passage sans percer de part en part, pour moi qui créait des ouvertures symboliques de forme rectangulaire, inscrites au centre d’autres formes rectangulaires évoquant elles-mêmes l’idée d’une porte sans son encadrement ? Là où, précisément, d’ordinaire aurait du se trouver le vide, il y avait toujours de la matière !!
« Interface, point de contact, passage… les petites portes, comme des ouvertures pratiquées dans l’épiderme de la pierre dévoilent un derme en dessous, comme un après, plus loin, là-bas derrière dans lequel chacun projettera sa magie, ses espoirs, ses attentes, son attrait pour les sens ou ses rêves de lendemains heureux, ses doutes et ses frayeurs… ». L’an 2000, alors, était pour demain.
« Trois pierres… »
« Trois pierres, trois millénaires », sculpture en trois éléments de trois mètres trente de hauteur, réalisée en granit et installée à Liffré en Ille & Vilaine, a été inaugurée le 1er Janvier 2000. Le thème était celui du passage… au troisième millénaire. Ces trois éléments, distants d’environ deux à trois mètres les uns des autres, suggèrent une suite, une succession à laquelle on pourrait imaginer adjoindre une quatrième pierre, puis une cinquième et d’autres encore, relatives aux siècles et millénaires à venir ; mais c’est aussi un passage, une porte encore, un seuil – celui donc du millénaire naissant – que l’on peut franchir symboliquement en traversant la ligne marquée au sol par les trois pièces en enfilade.
A ce stade, ce qui m’intéressait, c’était d’imaginer que, pour pénétrer à l’intérieur et traverser une porte de pierre, un mur symbolique, il fallait soit percer – ce qui n’était toujours pas mon propos – soit agrandir les proportions des atomes de pierre et donc des intervalles les séparant sans changer moi-même de taille ou, ce qui revient au même, pouvoir réduire ma propre taille ainsi que celle des passants de manière telle que nous parvenions ainsi réduits à traverser la pierre en empruntant les espaces compris entre les différents constituants de la roche.
Le passage, le franchissement par dématérialisation, par annulation des contingences physiques ou liaisons chimiques, par réduction des proportions ou dissolution, incorporation et autres rematérialisations… telle était l’idée que je voulais mettre en avant concernant l’idée du passage : au traitement dans les trois directions constitutives de l’espace mathématique (hauteur, largeur, profondeur), venait s’ajouter la recherche d’une sorte de consubstantialité de l’être et du moment, à l’instant T du franchissement.
« Le Passage »
J’ai pu réaliser une autre porte dans le courant de l’année 2000, à Bédée, près de Monfort. Cette fois avec l’aide d’enfants de cycle 3. Après réflexion, l’idée des trois colonnes de pierre a été retenue, et même multipliée par deux. Deux murs fictifs, constitués chacun de trois éléments verticaux indépendants mis cote à cote, alignés au sol suivant le tracé des deux barres d’un V très largement ouvert, laissent libre en leur centre un espace permettant le passage. Dans l’alignement de ce centre et en avant, dans le sens désigné par la pointe du V, se trouve une fenêtre ouverte mais étroite, constituée d’un appui, de deux montants hauts et d’un linteau.
Ici, on ne passe pas au travers d’une partie du mur, comme précédemment, mais entre ses deux parties distantes d’un bon mètre, après avoir observé au travers de l’ouverture en fenêtre l’axe, ou la réalité même du passage.
Et s’il n’y a pas d’apport supplémentaire en terme de représentation ou de présentation du lieu du passage, l’accent est mis sur la perception et la conscience de cet espace résultant d’une séparation ou d’une ouverture pratiquée dans la continuité de la matière et du temps, vue au travers d’une fente étroite comme sous l’action d’un microscope qui agrandi l’image et focalise notre regard…
Locus V, La porte du Sidobre
Pour « Locus V, La porte du Sidobre », sculpture de 3 mètres de hauteur réalisée en granit gris du Tarn à Castres en juin 2000, il s’agissait plus d ’application en improvisation libre, c’est à dire d’un projet ouvert à l’intérieur d’un cadre connu. A la forme des petites portes, de nombreuses fois répétée, s’ajoutait la dimension du monumental et la relation au site géographique, aux paramètres liés à l’exercice du symposium. Le résultat, moins soucieux d’approfondir ou d’élargir le passage, s’attache à amplifier l’idée d’arrivée et de départs par une sorte d’appel au voyage imaginaire :
« … Une porte, la Porte du Sidobre. Un parallélépipède en désaxe latéral et frontal, au milieu duquel est signifiée une ouverture qui, dévoilant l’intérieur, met en contact ce qui est dedans et ce qui est dehors, évoque par analogie et en les distinguant ce qui fût avant de ce qui viendra demain, sépare ici-bas de l’au-delà. Un ensemble de reliefs et de formes circulaires, aux traitements, à la composition et aux dimensions variables, parcourt la face et le profil de la pièce. Cupules, boutons, mamelons, sphères aplaties décrivent une configuration topographique ou céleste imaginaire, appellent au voyage, au passage. Il existe d’autres portes similaires, variations sur le thème : la sculpture comme témoin des départs et des arrivées … la matière même du passe- muraille ».
Loin de permettre le passage physique, c’est par la reproduction de formes similaires et la dissémination géographique de ses représentations que s’effectue ici l’évocation du déplacement. Untel, et c’est mon cas, qui se retrouverait successivement confronté devant chacune des portes (séparées les unes des autres par plusieurs centaines de kilomètres) à l’idée récurrente du passage, pourrait bien s’imaginer franchir un seuil fictif pour ressortir ailleurs, mettant pour cela entre parenthèses la réalité physique et temporelle de sa condition humaine entre deux regards, pour ne retenir, comme au sortir d’un rêve ou d’une absence, que la permanence du symbole et la prégnance de cet appel au déplacement dans l’espace … Illusion d’ubiquité, incorporation de l’être en pensée à l’idée même de voyage …
Locus VII,
une nouvelle porte en Loire Atlantique…
Le projet est une porte.Porte en trois points.
Mais,
Pas de ces trois points que réclame une assurance, non :
trois points d’ouverture..
La première porte à mon sens,
la moins visible,
est au point P d’ouverture sur l’instant.
A l’instant T du contact.
La seconde ouvre sur le ciel :
Deux bras se dressent,
Le flot coule entre et sort..
La troisième plonge ses pieds dans la terre.
Est-ce la porte d’un sanctuaire ?
Non, c’est la porte d’une cave..
C’est aussi celle de notre mémoire.
3 maisons – Etude 16 cm, Gypse – 1999
Dans le projet que je souhaite réaliser, l’idée d’ouverture se déplace encore … Au départ il y a un bloc.
Fendu en deux, il subira une première ouverture.
Mises bout à bout, ses deux parties recevront une seconde ouverture,
à la manière de celle pratiquée dans les petites portes de pierre.
Puis les deux parties séparées seront recomposées, après avoir été retournées et
inversées, de sorte que d’une fente et d’un début d’ouverture résultera l’idée d’une porte
monumentale ouverte en trois points.
De ces trois points, l’un, manifeste au moment de sa mise en place, se situera dans
cet espace minime et comprimé au point de contact des deux blocs de plus de deux tonnes
chacun, dissimulé mais bien présent par sa spécificité de discontinuité dans la matière.
Les deux autres, résultant chacun de la demi-partie de la seconde ouverture seront dirigés l’un vers le haut, l’autre vers le bas. Et s’ils font bien référence aux ouvertures symboliques pratiquées à la surface des petites portes, par comparaison avec ces dernières ils s’ouvrent plus encore en direction des espaces appelés par la construction de leurs lignes : ils proposent, ainsi, une nouvelle lecture de nos hiers ou de nos lendemains, non plus dans l’épaisseur mais, comme dans la tradition d’une symbolique plus universelle, en direction du ciel et des temps à venir, de même que vers la terre, qui porte en elle le souvenir de nos racines et de notre passé …
Quant à nous, ce ne sera plus devant que nous devrons apparaître pour penser au voyage comme à notre condition, mais dedans, au coeur ouvert de la pierre. Projetés dans cet espace devenu presque invisible et plan que l’on devinera situé à mi hauteur (à la manière d’un curseur indicateur de notre présence, le long d’une échelle chronologique ou physique imaginaire), nous aurons à méditer sur le sens à donner à cette frange d’espace compressé dans laquelle nous vivons. Pour rester libre de nos mouvements et déterminer ce qui existe, en nous, entre ce qui nous oriente et ce qui nous fonde…
« Trois maisons », Pornichet – juin 2001 / Bazouges la Pérouse – 2005
Granit bleu de Lanhélin – environ 2,60 mètres – 4 tonnes
« Trois maisons », Pornichet – juin 2001